Un esprit…

ÊTRE GALERISTE…

Je dois mon premier souvenir d’art à une boîte d’allumettes.

Lorsque j’avais dix ans, mes parents ont offert à mes sœurs et moi-même de visiter le Rijksmuseum, à Amsterdam. Je suis tombé en arrêt devant La Ronde de Nuit, de Rembrandt. Ce tableau m’était anormalement familier et j’ignorais pourquoi. Durant deux jours j’ai fixé de manière obsessionnelle une carte postale de l’œuvre, achetée à la boutique du musée. Il fallait que je comprenne pourquoi j’avais le sentiment d’en connaître chaque détail. Je me suis finalement rendu compte que ce tableau, en taille minuscule, ornait une boîte d’allumettes « déco » posée dans le salon familial. Je l’avais sous les yeux chaque jour de l’année.

Cet épisode m’a enseigné la différence entre voir et regarder. Il a permis aux œuvres, dans mon esprit, de devenir non plus des messages figés mais des dialogues.

Plus tard, en posant pour mon épouse dont le destin a voulu qu’elle soit sculptrice, j’ai eu accès au cheminement intérieur d’une créatrice. J’ai perçu que son imaginaire, son talent et son travail formaient un souffle se mêlant à celui de tous les artistes, du plus célèbre au plus humble. Ce n’est pas une posture, ni une jolie phrase : ce souffle était message, panneau indicateur, témoin.

Je suis chaque jour fasciné par les artistes. Par le besoin plus fort qu’eux d’accomplir les actes de création qui les anime. Par les regards qu’ils portent sur le monde. Je suis émerveillé par le fait qu’ils nous proposent de mieux percevoir ce qui nous entoure. C’est un cadeau. Chaque œuvre d’art est une fenêtre à laquelle un de mes grands bonheurs est de me pencher.

Aujourd’hui, mon vœu le plus cher est que ma galerie soit un espace de dialogue. Intime ou exprimé. Je souhaite que chaque visiteur puisse y faire des rencontres qui, à leur mesure, transformeront sa vie.

Christophe Butruille.